Préhistoire d’un rachat.
Je pense que c’est dans La Taberna del Puerto – un forum Internet en Castillan, évocateur pour les personnes intéressées par tout ce qui touche à la plaisance – que j’ai commencé à écrire sur l’acquisition de Kif Kif. Je me souviens que je parlais de mon envie de naviguer davantage à la voile et du fait que le transfert sporadique d’un voilier entre le continent et les îles n’atténuait guère cette envie.
Je me souviens aussi que j’avais commenté dans ce forum que nous avions vendu notre dernier bateau à Shelter Bay Marina (Panama), pour un euro symbolique, aux enfants d’un de nos amis qui avaient l’intention de voyager à Tahiti (Polynésie française). Nous ne pouvions plus nous permettre les dépenses liées aux réparations répétées du vieux moteur diesel Renault de 75 chevaux, marinisé par Vetus dans les années 80 du siècle dernier, qui propulsait les quinze tonnes d’acier du Tchao Tchao ; les voiles qui tombaient en morceaux rien qu’en les regardant ; la rouille qui gagnait progressivement chaque centimètre carré des 38 pieds de la coque du bateau… Mes qualifications professionnelles expiraient les unes après les autres. Les dettes menaçaient de nous plonger dans un naufrage pire que le pire des cauchemars nautiques. (Si vous êtes curieux de voir ce que faisait Tchao Tchao à l’époque, vous pouvez virtuellement voyager dans le temps en cliquant ici. Si vous le faites, vous trouverez certains de nos vieux souvenirs…)
Après nous être séparés de Tchao Tchao au cours du froid hiver 2011/2012, nous avons pris la difficile décision de retourner en Europe. Ma compagne est partie dans le sud de la France rejoindre sa mère, au veuvage récent – salutations posthumes à Serge -, tandis que je me suis enfermé, en squat, dans le grenier du bâtiment d’une communauté d’artistes en Allemagne pour façonner l’histoire de ces années passées à transporter des routards entre le Panama et la Colombie à bord de notre bateau. Une fois ce travail terminé, dont le résultat, rédigé en français, ne peut plus être vu sur Amazon (pour des raisons de solidarité de classe avec la lutte des travailleurs de cette multinationale), je suis retourné aux Baléares, où j’ai réussi à faire quelques semaines de charter de subsistance. L’hiver 2012/2013 n’a pas été facile non plus, de nouveau vivant comme un squatter sur des bateaux de location tout en essayant en vain de traduire à l’espagnol «Les hirondelles : la course aux globetrotteurs dans la Caraïbe«; mais, en revanche, réussissant sans difficulté à mettre à jour mes qualifications professionnelles. Puis, c’est vers la fin de cette saison 2013, à Majorque, que j’ai trouvé ce travail que j’espère quitter bientôt pour prendre ma retraite, où cependant, Muriel et moi travaillons encore.
Le rachat de Kif Kif, le contexte.
Les dettes payées et quelques économies en poche, l’annonce sur Internet qui a piqué ma curiosité décrivait un bateau prêt pour de longs voyages en mer, mis sur le marché d’occasion à un très bon prix à cause d’un vague «impératif familial».
Lors d’un de nos premiers contacts téléphoniques, avant notre voyage à Paimpol (France) pour voir le bateau, celui qui était alors encore propriétaire de Kif Kif m’a expliqué que sa petite amie était enceinte, ce qui l’obligeait à faire un changement radical de plans. La deuxième raison que le jeune moniteur de la célèbre école de voile des Glenans m’a donnée pour justifier le très intéressant prix pour lequel il vendait son bateau était son équipement, très basique, la principale raison invoquée étant son approche radicalement puriste de la navigation à voile : pas d’aides électroniques, juste une VHF – car elle est obligatoire – et une radiobalise. Mon jeune vendeur m’a dit qu’il abhorrait la facilité du moderne et qu’il prévoyait de faire toutes ses navigations par des moyens traditionnels, avec un sextant en plastique et les lourds volumes en papier des éphémérides nautiques rangés dans un coffre. Tout cela très louable, bien que peu pratique.
Le rachat de Kif Kif, le marchandage.
En février 2018, comme je crois l’avoir déjà mentionné, mon partenaire et moi nous sommes envolés pour Paimpol (France) pour y découvrir que le propriétaire était parti en voyage en Colombie, déléguant la vente du bateau à ses parents et les clés à un de ses amis qui vivait à bord d’un autre voilier dans le même port et qui faisait périodiquement tourner le moteur et était censé aérer les intérieurs.
Déjà depuis le ponton j’ai découvert la première contradiction –entre le discours radical du jeune vendeur et la réalité– sous la forme d’une antenne GPS Furuno installée sur le balcon arrière du voilier. Quelques minutes plus tard, alors que je scrutais minutieusement tous les coins et recoins du bateau, un autre GPS est apparu sous mes yeux, sur la table à cartes, un respectable GPS portable Magellan à piles. Cependant, je n’ai trouvé nulle part de sextant ni aucune trace d’éphéméride nautique… Mon cerveau notait chaque détail et le déduisait du prix initial annoncé par le vendeur, qui, selon son père, était non négociable. Néanmoins, je faisais mentalement mes calculs à la baisse…

Près de l’Arcouest, Ploubazlanec, Côtes d’Armor, février 2018.

Détail de l’intérieur moisi de Kif Kif lors du marchandage du prix.

La base du mât rouillée.

Détail de la fixation des chandeliers du balcon avant.

Dîner avec Muriel dans l’un des restaurants accueillants du port de Paimpol.

Le câblage électrique sommaire…

Tad célèbre l’acquisition avec un visage sérieux, submergé par les doutes. Photo prise par Muriel.

Kif Kif en cale sèche à Paimpol, où il attendra jusqu’à ce que nous puissions venir le chercher.
Ce furent trois nuits et quatre jours d’intenses négociations, ponctuées par une excursion occasionnelle dans les faubourgs de Paimpol sous la bruine typiquement bretonne. Les parents du jeune moniteur de voile étaient un couple gentil et simple, lui instituteur et elle assistante sociale. Nous les avons invités à déjeuner dans une crêperie voisine, où ils ont longuement parlé de leur fils, de leurs préoccupations concernant son comportement erratique et ses projets improbables. Pas de petite amie enceinte nulle part, seulement un échec retentissant quatre mois plus tôt lorsqu’il s’est embarqué pour les Caraïbes en compagnie d’une jeune femme, qu’ils ne connaissaient pas, à bord de son voilier nouvellement acheté… La vérité est que je ne comprends pas comment une telle chose a pu arriver à un moniteur de voile chevronné de la célèbre école de voile des Glenans. N’a-t-il pas étudié les prévisions météorologiques ? N’a-t-il pas calculé les courants de marée ? Qu’est-ce qui l’a poussé à prendre la mer comme il l’a fait, sans la moindre préparation ? De forts vents contraires et une mer agitée au large de la côte nord de la Bretagne l’ont dissuadé, lui faisant apparemment découvrir que la voile n’était pas son truc. Il fait demi-tour et retourne au port où la jeune femme qui l’avait accompagné lui dit adieu pour toujours. Une triste fin pour un rêve…
Les parents du garçon nous ont dit qu’ils ne pouvaient prendre aucune décision concernant la vente du voilier et que les contacts avec le jeune moniteur de voile étaient difficiles, d’abord par e-mail, puis par téléphone, la nuit, pour combler le décalage horaire… Mais j’ai pris les choses en main et, de coup de fil en coup de fil, petit à petit, j’ai réussi à baisser le prix, en pointant sans relâche sur chaque détail, sur la moisissure toxique des cloisons, sur la rouille au pied du mât, sur le réfrigérateur cassé, sur le câblage électrique dénudé, sur les bornes des batterie sulfatées, sur l’odeur à renfermé des coussins… Depuis la jungle colombienne, à la recherche de pierres précieuses –d’après ce qu’il avait raconté à ses parents–, ou d’où qu’il soit, il a essayé de contrer mes arguments avec les siens, que si le régulateur d’allure était en parfait état, que si le moteur Yanmar n’avait que 1.800 heures, que si les sept voiles étaient presque neuves, y compris le spinnaker, et je le réfutais sans pitié, les silent-blocks du Yanmar cassés, le filtre à air du moteur inexistant… Et je continuais à baisser le prix jusqu’à ce que la mère de famille dans l’âme de Muriel ne me dise «ça suffit, Tad, paie-lui ce qu’il te demande et finissons-en !» Alors j’ai obéi, j’ai cessé de faire baisser le prix, acceptant à contrecœur le dernier chiffre négocié, convaincu, comme je l’étais, que j’aurais encore pu faire baisser le prix final de deux mille euros supplémentaires, soit exactement ce qu’il avait payé quelques mois plus tôt en Hollande pour le bateau. Mais bon, nous l’avions fait: désormais je ne serais pas un sans abri à l’avenir…
Il nous restait à peine le temps, en ce mois de février 2018, de signer le contrat de vente, de transférer l’argent, de nous rendre à la capitainerie et aux bureaux des Affaires Maritimes pour enregistrer l’achat du Kif Kif à notre nom et, le laissant en cale sèche avec des instructions précises pour le nettoyer et le remettre en état, repartir vers les Baléares où le travail réclamait impatient notre présence… Si tout se passait bien, nous aurions peut-être au cours du mois de juillet les trois semaines dont j’ai calculé que nous aurions besoin pour convoyer le voilier de Paimpol à Palma, sur l’île de Majorque…

Sur la carte marine suivante, vous pouvez voir la route estimée (ligne violette) que nous avions prévu d’emprunter pendant les trois semaines de vacances que nous devions encore négocier avec l’armateur du yacht à bord duquel nous travaillions (et travaillons encore aujourd’hui, le jour où j’écris ces lignes, le 3 novembre 2022). Si nous pouvions obtenir ces trois semaines de vacances, si les conditions météorologiques étaient favorables, si les étoiles s’alignaient et que la chance nous souriait, il nous faudrait encore faire le voyage avec seulement deux breves escales, sans perdre une seule seconde de temps… Si…, si…, si tout allait bien, bien sûr…! Beaucoup trop de «si…», beaucoup trop de conditionnels… Brrr… !

Courtoisie de Navionics Inc.
De Paimpol à Palma, les marées.
Comme vous le savez probablement toutes et tous déjà, le port de Paimpol est situé au nord de la Bretagne, à une centaine de milles nautiques à l’est de ce que l’on pourrait considérer comme l’entrée de la Manche, à savoir, une ligne imaginaire tracée entre l’île d’Ouessant, l’île la plus occidentale de la France métropolitaine, et Bishop Rock, l’île la plus occidentale de l’archipel des Scilly, au sud-ouest de l’Angleterre. Dans toute cette zone, les marées et les courants de marée sont un facteur déterminant pour la navigation. Les écluses du port de Paimpol, par exemple, s’ouvrent généralement deux heures et demie avant et se referment deux heures et demie après la marée haute. Pendant les heures de marée basse, lorsque les écluses restent fermées pour que l’eau ne quitte pas le port et que les bateaux du port puissent continuer à flotter, au-delà du port, la mer se retire sur plusieurs milles nautiques, laissant toute la zone à sec jusqu’à ce que la marée remonte. Pour ceux qui ne l’ont jamais vu, le spectacle est à couper le souffle, majestueux. Cela se passe tous les jours, deux fois par jour, et c’est gratuit, il suffit d’être là.

En cliquant sur la carte, celle-ci s’ouvre et vous pouvez étudier en détail la sortie du port de Paimpol. Les zones colorées en vert sont recouvertes d’eau à marée haute, et sèches à marée basse. La ligne violette indique le chemin que Kif Kif a suivi vers la sortie de la Manche, quelque 100 milles plus à l’ouest. Les points «zéro» et «un» sur la ligne violette à la sortie du port de Paimpol indiquent la zone qui est complètement sèche à marée basse, soit environ 2,2 milles nautiques, ce qui représente un peu plus de quatre kilomètres. (Avec l’aimable autorisation de Navionics Inc.)

Les écluses du port de Paimpol, fermées sur la photo, retiennent l’eau du port, à marée basse, pour maintenir à flot les navires qui s’y trouvent. Photo prise par l’auteur en février 2018.
De Paimpol à Palma, le départ.

Malgré tous les travaux à faire pour mettre Kif Kif en état de prendre la mer, l’équipage n’a jamais perdu de vue la nécessité de prendre soin de lui-même. Sur cette image du dimanche 8 juillet 2018 (photo de l’auteur), on peut voir Muriel rendre hommage avec entrain à l’excellente cuisine paimpolaise.

Première page du journal de bord de Kif Kif. Cliquez sur l’image pour voir le détail.

Muriel à la barre de Kif Kif peu après avoir quitté Paimpol, le mardi 10 juillet 2018 à 06h40 (LT). Le soleil venait de se lever.

Foc no. 2 et un ris dans la grand-voile, naviguant bon train en mer d’Iroise, ayant déjà laissé la Manche derrière nous. Photo prise à 10:24 (LT) le mercredi 11 juillet 2018. D’après les entrées du journal de bord, on peut déduire que la vitesse de Kif Kif à ce moment-là était d’environ six nœuds.
Je ne prendrai pas ici le temps de décrire en détail ce qu’ont été les deux longues journées de travail avant le départ. Préparer un voilier pour la mer est une tâche minutieuse qui prend du temps, mais nous faisions une course contre la montre, car nous n’avions que trois semaines avant de reprendre notre travail à bord du bateau duquel nous sommes toujours équipiers aujourd’hui, le 3 novembre 2022. Nous aurions le temps, nous disions-nous à l’époque, de faire ce qu’il nous restait à faire en chemin ! Le navire flottait dans ses lignes, ce qui était – et est toujours ! – la chose la plus importante, et les voiles étaient prêtes à être hissées.
Ainsi, environ cinquante-quatre heures après notre arrivée à bord de Kif Kif, le mardi 10 juillet 2018, à 04h37 précises, alors que les écluses du port étaient sur le point de s’ouvrir et que l’aube se levait, nous avons démarré le moteur, débranché la prise d’eau et l’alimentation électrique du port, et largué les amarres.
Je dois avouer qu’avant même de négocier avec notre employeur les trois semaines de vacances pour le convoyage de Kif Kif, j’étais très au fait des horaires et des coefficients des marées, des mouvements des masses d’eau, de leur vitesse et de leur direction, et c’est précisément le mois de juillet qui convenait le mieux à nos projets de navigation. La seule chose que je ne pouvais pas contrôler à cette époque était l’humeur du temps, le mouvement des grandes masses d’air dans l’atmosphère, les caprices de la météorologie. Enfin, il a été convenu que nous prendrions nos trois semaines de vacances du samedi 7 juillet au vendredi 27 juillet inclus. Vous pouvez imaginer le nombre de fois où j’ai téléchargé des cartes synoptiques de l’Atlantique Nord dans les semaines et les jours précédant le voyage ; avec quelle attention j’ai étudié les palpitations à peine perceptibles de l’anticyclone des Açores, qui gonfle et fond ; avec quelle obsession frénétique j’ai suivi le mouvement des fronts…
Le calendrier fixé, les dés étaient jetés et il n’y avait plus de retour en arrière possible. Les pages, initialement blanches, du journal de bord, refléteront le déroulement du voyage au fur et à mesure et témoigneront de l’ampleur de l’erreur commise… ou de la réussite. Nous le découvrirons bientôt !

De Paimpol à Palma, en sortant de la Manche.

L’aérien du Cap Horn, notre fidèle régulateur d’allure, qui maintien toujours avec précision l’angle avec la brise qui lui a été donnée lors du réglage.

Détail des drosses du régulateur d’allure renvoyés à la barre franche.

La carte marine montre les détails de la zone, avec l’île mythique d’Ouessant presque au centre de l’image (courtoisie de Navionics Inc.).

La Jument d’Ouessant, le phare mythique à l’entrée du chenal du Fromveur, vu par le photographe Jean Guichard qui l’a rendu mondialement célèbre. A ne pas confondre avec le phare du Créac’h mentionné dans le texte. Cliquez sur l’image pour accéder à une brève histoire du phare et aux images à couper le souffle prises par Jean Guichard qui ont fait le tour du monde, rendant célèbre, par la même occasion, le gardien du phare, Monsieur Théodore Malgorn, qui apparaît dans une séquence des plans au pied du phare, les mains dans les poches, sur le point d’être englouti par une vague semblable à celle de la photo.
Pour faire court, vous pouvez découvrir les détails de la navigation, les rythmes des quarts, les pannes et autres vicissitudes de la vie à bord pendant ce convoyage en décryptant les notes du journal de bord de Kif Kif. Vous les trouverez, publiées dans leur intégralité, en cliquant ici. En attendant, je me limiterai, dans ces lignes à décrire les généralités du voyage, les incidents majeurs, les moments plus ou moins importants du périple.
L’un des points forts de tout le voyage a sans aucun doute été la sortie de la Manche. Ayant laissé les écluses du port de Paimpol dans notre sillage, nous nous sommes rapidement retrouvés à naviguer à huit nœuds dans une mer plate, sans la moindre brise, propulsés probablement à cinq nœuds par l’effort ronronnant du moteur, un Yanmar de 20 cv, tandis que les trois nœuds restants étaient dus aux effets bénéfiques du courant de marée.
Ce mardi-là, à sept heures et demie du matin, c’est-à-dire trois heures à peine après avoir largué les amarres, nous virions à l’ouest, au nord de la marque cardinale nord de La Jument qui indique les eaux peu profondes et les bas-fonds des Héaux de Bréhat. Nous étions maintenant bien engagés dans la partie sud de la Manche, toujours soutenus par le courant de marée qui nous était encore favorable.
Et nous avons continué à profiter des courants favorables pendant plusieurs heures encore, croisant entre l’archipel des Triagoz et le village de pêcheurs de Trebeurden à plus de sept nœuds, soutenus par le moteur, jusqu’à ce que peu à peu notre vitesse diminue et que nous commencions à ressentir les effets des courants de marée contraires. Vers deux heures de l’après-midi, devant le phare de l’île de Batz, qui restait obstinément sur le même cap, nous donnant même parfois l’impression que nous marchions à reculons, notre voilier parvenait à peine à maintenir trois nœuds de vitesse sur le fond, le moteur ronronnant infatigable à deux mille deux cents tours.
Ce n’est que vers neuf heures du soir que nous avons enfin pu lui donner un peu de repos au Yanmar. Nous étions à une quinzaine de milles nautiques au nord-nord-est de l’île d’Ouessant, avec une dizaine de milles à parcourir pour franchir la ligne imaginaire qui conclurait notre sortie de la Manche, et les courants étaient de nouveau à notre faveur, tandis qu’une brise de sud s’établissait, nous permettant de naviguer au près bon plein vers le Golfe de Gascogne, en contournant Ouessant par le nord, dont le phare du Créac’h nous servirait de point de référence pour le restant de la nuit.
Le phare de l’île d’Ouessant, le Créac’h donc, avec ses deux éclairs blancs toutes les dix secondes et une portée de trente milles nautiques, indique la limite entre la Manche et l’océan Atlantique aux dizaines de milliers de navires qui suivent, obéissants, le Dispositif de Séparation du Trafic (DST) chaque année. Cette frontière imaginaire de la Manche, nous l’avons traversée à bord du Kif Kif vers minuit, mettant immédiatement le cap au sud-sud-ouest en direction de La Corogne (La Coruña, Galice, Espagne).
De Paimpol à Palma ; de Ouessant à La Corogne : le Golfe de Gascogne.

Foc No. 2 et grand-voile au premier ris; voiles en ciseaux.

Contrôlant le réglage des voiles.

Une bière bien méritée pour essayer d’effacer le goût du diesel de ma bouche après avoir passé quelques heures la tête plongée dans le moteur…

Muriel subit l’esclavage de la barre franche avec une expression sinistre lorsque, par manque de vent, le Cap Horn refuse de continuer à diriger le bateau et que le Yanmar doit être démarré.

Le cap Ortegal par l’avant signifie que la traversée du golfe de Gascogne touche à sa fin en ce samedi matin brumeux du 14 juillet 2018.

Kif Kif amarré au quai du Reial Club Náutico de A Coruña où il devra attendre jusqu’au lundi 16 juillet 2018 avant que les réparations du tuyau d’échappement du moteur puissent seulement commencer.

Carte marine couvrant la côte de Galice du Cap Ortegal à La Corogne ( courtoisie de Navionics Inc.)
Haute mer. L’immensité de l’océan s’ouvre devant nous alors que les éclats du phare du Créac’h s’estompent dans la nuit étoilée. La grand-voile s’agite mollement au rythme du balancement du bateau dans le calme plat, tandis que le Yanmar continue inébranlable à faire son travail, ronronnant imperturbablement, jusqu’à ce que soudain il tousse, s’éclaircisse la gorge, ronronne à nouveau et s’arrête pour de bon. Il ne se peut pas que j’aie fait une erreur dans mes calculs et que la consommation du moteur soit plus élevée que prévu ! Je remplis les réservoirs de diesel à partir des jerrycans amarrés sur le pont, je purge le circuit et je redémarre le moteur. Il est presque trois heures du matin, ce vendredi 13 juillet. Le moteur tousse, se racle la gorge, ronronne pendant quelques secondes puis s’arrête à nouveau… Se pourrait-il que le filtre soit bouché ? Dieu merci, j’ai un filtre de rechange ! Je remplace les deux filtres usagés, primaire et moteur, par deux nouveaux filtres, et je purge à nouveau le circuit, mais il y a quelque chose qui ne me convainc pas tout à fait. D’une part, les deux filtres usagés semblent être parfaitement propres et, d’autre part, je détecte une petite goutte de diesel sous la pompe à carburant. Le tuyau est fendu juste en dessous du collier de serrage. Je coupe le morceau endommagé et, avant de le reconnecter, j’aspire fortement. Ce n’est pas seulement du diesel qui sort du tuyau, il y a encore des bulles d’air. Je démonte l’ensemble du circuit, inspecte chaque connexion et réassemble. Les colliers de sortie des deux réservoirs étaient desserrés ; un autre tuyau était également fendu sous un autre collier, à l’entrée du filtre primaire, mais cette fois je n’aurai pas la longueur nécessaire pour couper le morceau endommagé et le reconnecter. Il me manquera quelques centimètres. Je cherche une solution, je change les tuyaux, je connecte, je purge à nouveau… J’actionne le démarreur une fois, deux fois… Le moteur résiste. Je purge à nouveau, cette fois-ci directement de la pompe à injecteurs et j’essaie de redémarrer. Le Yanmar tousse, frémit, se racle la gorge et démarre. À 06:47 je note dans le journal de bord que le moteur tourne à nouveau.
Vers cinq heures de l’après-midi, une petite brise arrive de l’est, ce qui me permet de couper le moteur et de libérer Muriel de l’esclavage de la barre franche, car, sans vent, le régulateur d’allure Cap Horn ne fonctionne pas, quelle que soit la puissance du moteur. Nous avons une moyenne d’un peu plus de trois nœuds, avec les voiles en ciseaux, la grand-voile sous le vent et le foc tangonné au vent. C’est ainsi que nous allons continuer toute la nuit. Vers midi, le vendredi 13, la brise a quelque peu augmenté et, par conséquent, notre vitesse, avec des pointes allant jusqu’à 6,6 nœuds. Au milieu de l’après-midi, je redémarre le moteur, cette fois sans l’embrayer, juste pour que l’alternateur puisse charger les batteries et que nous puissions faire fonctionner le froid pendant un moment, mais je dois l’éteindre à peine une demi-heure plus tard : le régulateur d’allure a fini par couper le tuyau d’échappement et celui-ci vide l’eau de mer du circuit de refroidissement dans le compartiment arrière. Les batteries devront attendre. J’apprends à connaître mon bateau.
À minuit nous sommes toujours sous voiles en ciseaux, à une vitesse régulière de six nœuds, sur une route directe vers La Corogne, la girouette de notre fidèle ami le Cap Horn dirigeant le bateau avec une précision de chirurgien.
Comme nous sommes en course contre la montre pour rejoindre notre poste de travail à temps, nous avions initialement prévu de sauter l’escale à La Corogne, si les conditions météorologiques nous le permettaient ; mais, au vu du pépin que nous avons, devant réparer le tuyau d’échappement du moteur, nous n’avons pas d’autre choix que de nous arrêter. Ainsi, peu avant neuf heures du matin, le samedi 14 juillet, à une vingtaine de milles nautiques du port de La Corogne, après être restés pratiquement immobiles sur une mer aussi plate qu’un miroir, je redémarre le moteur, écopant tant bien que mal l’eau de mer que le pot d’échappement persiste à vider à bord dans le compartiment arrière. Notre arrivée aux pontons du Reial Club Náutico de A Coruña est notée dans le journal de bord, ce même samedi 14 juillet, à 13h10, à peine un peu plus de quatre jours de navigation depuis le port de Paimpol.
Du samedi au lundi, étant pressé et ne pouvant pas faire grand-chose, le week-end est long à La Corogne. Les Galiciens sont un peuple qui sait vivre, cela ne fait aucun doute, et ils vivent très bien. Nous n’avions donc pas d’autre choix que d’oublier notre hâte et de nous adapter au rythme et à la substance de la vie locale, en laissant pour mardi, tôt le matin, les urgences mécaniques qui résoudraient momentanément le problème du pot d’échappement. Entre-temps, nous avons visité la ville dans un esprit de tourisme, apprécié les délices culinaires locaux ; nous en avons également profité pour laver nos vêtements et nous réapprovisionner en vivres frais pour l’étape suivante, sans oublier de nous reposer et de nous détendre, loin des soucis des quarts.
J’ai dû m’activer tôt le mardi matin pour trouver un forgeron pour me souder en L deux morceaux de tuyau en acier du diamètre du tuyau d’échappement flexible endommagé, afin que je puisse le monter à bord et faire enfin tourner le moteur sans remplir d’eau de mer le compartiment arrière du bateau. Ce ne fut pas une tâche facile, mais peu après le déjeuner, j’ai pu installer l’invention dans le compartiment arrière et démarrer le Yanmar, qui s’est mis au travail sans problème avec sa régularité proverbiale. Je n’étais pas entièrement satisfait de cette réparation, car les drosses du Cap Horn allaient maintenant frotter contre l’acier du tuyau d’échappement et s’abîmer, mais nous n’avions pas le temps d’effectuer une modification plus approfondie.
Nous étions pratiquement prêts à mettre les voiles. Nous n’avions plus qu’à payer l’amarre, rendre les clés des douches du port, débrancher l’électricité et l’eau du quai et larguer les amarres…
De Paimpol à Palma, brève escale à La Coruña.

La place de María Pita et l’hôtel de ville de La Coruña.

La statue de María Pita derrière l’épaule droite d’une Muriel en pleine forme.

Délicieux poulpe à la galicienne, dans l’une des meilleures “pulperías» de La Corogne.

Nous n’avons jamais su ce qu’ils célébraient à bord de cette hirondelle, qui est entrée en festoyant dans le Reial Club Náutico de A Coruña le lundi 16 juillet 2018 à 20:16, heure à laquelle cette photo a été prise depuis la poupe du Kif Kif…..
De Paimpol à Palma, navigation entre deux escales.

Carte marine du port de La Coruña et de l’entrée de l’estuaire du même nom. Punta Galera abrite le plus vieux phare du monde, la Tour d’Hercule, un site classé au patrimoine mondial (avec l’aimable autorisation de Navionics Inc.).

Laissons dans notre sillage le château de San Antón, sur bâbord, navigant en direction de la sortie de l’estuaire de La Corogne, le mardi 17 juillet 2018.

En approche du Cap Villano, le mercredi 18 juillet 2018.

De temps en temps, un dauphin distrait passait à côté de Kif Kif sans même nous regarder, comme si nous n’existions pas…

Enfin, le jeudi 19 dans l’après-midi, nous pourrons hisser le spinnaker, améliorant ainsi un peu notre vitesse.

Sous spinnaker, le Cap Horn continue de barrer avec précision et sans consommer un seul watt d’énergie électrique.

Muriel profite avec indolence d’un moment de «dolce far niente» à l’avant de Kif Kif, sous le spi, confortablement installé sur le foc n° 2, tandis que le Cap Horn tient le cap avec sa précision habituelle.

La proue imposante d’un cargo qui se dirige vers nous à toute vitesse se profile à l’horizon.

Après un contact radio, le cargo change de cap pour nous passer à une distance prudente. Sur la VHF, il confirme que nous ne sommes pas visibles sur son radar. La décision d’équiper le Kif Kif d’un AIS (Automatic Identification System) prend forme…

Cette fois, le groupe de jeunes dauphins s’est approché de notre proue, curieux et joueur. On ne parlait pas encore des interactions des orques avec les gouvernails des voiliers…

Muriel, dans son quart, détendue, tandis que le Cap Horn travaille tranquillement pour maintenir le voilier sur son cap. À l’arrière du bateau on distingue la houle…

Levée de soleil dans la baie de Cádix…

Le régulateur d’allure ne fonctionne pas quand on navigue à moteur. Muriel, à la barre, tenant le cap comme une championne, ce qu’elle est. Derrière elle, on peut voir la girouette du Cap Horn, inutile, presque horizontale.

Carte marine du Cap Saint-Vincent à Gibraltar (courtoisie de Navionics Inc.)

Port de Gibraltar, Marina Bay (courtoisie de Navionics Inc.)
Ce même mardi 17 juillet 2018, à 19 h 33, nous avons démarré le moteur, débranché l’électricité et l’eau du quai et largué les amarres. Nous avons rapidement laissé le Castillo de San Antón dans notre sillage et avons viré vers le nord en direction de la sortie de la rade. Les prévisions météorologiques nous annonçaient une brise de nord de force 3 à 4, nous avions donc le vent debout pour sortir de l’estuaire. Nous avons effectué quelques virements de bord au près, soutenus par le moteur, jusqu’à pouvoir tirer un dernier bord au près bon plein vers Punta Galera. À 21h00, j’ai coupé le moteur, et avec deux ris sur la grand-voile et le foc n°2, nous nous sommes laissés propulser à un peu plus de 5 nœuds par les 17 nœuds de brise de nord qui nous accompagnait. Bientôt nous avons cessé de voir les cinq flashs blancs toutes les vingt-cinq secondes du phare de la Tour d’Hercule, Patrimoine de l’Humanité pour être le plus vieux phare au monde encore en activité et le seul phare romain encore debout.
A 03h25 le mercredi 18 juillet, je note dans le journal de bord que nous passons au large du port de Corme, dans l’estuaire de Corme et Laje, un abri qui me rappelle de bons souvenirs. Plus tard, au niveau du cap Villano, nous manquons de vent et je dois redémarrer le moteur. Ainsi, en allumant et en éteignant le moteur, en empannant encore et encore dans la brise qui ne tarde pas à disparaître à nouveau, nous obligeant à redémarrer encore une fois le Yanmar, nous avons lentement fait route vers le sud, cherchant le vent un peu plus à l’ouest, nous éloignant progressivement de la côte qui dans cette zone penche vers l’est. Ce qu’il y a de pire dans les calmes, c’est le fait de devoir faire du moteur et se trouver dans l’impossibilité d’utiliser le régulateur d’allure, d’être obligé de tenir le cap, barre franche à la main, pendant des heures.
La nuit de mercredi à jeudi, nous avons été accompagnés d’une bruine persistante qui rendait les quarts à la barre très désagréables lorsque la brise disparaissait.
Ce n’est qu’après le déjeuner du jeudi 19 juillet que j’ai pris le courage de hisser le spinnaker pour profiter au maximum de la brise du nord qui semblait vouloir se lever à nouveau. Le Cap Horn, une fois de plus, nous libère de l’esclavage de la barre, nous permettant de vaquer à d’autres occupations, comme la lecture, la détente à l’avant sur le foc n°2, ou même la préparation du dîner.
À minuit le vent se lève, toujours du nord. Nous prenons le troisième ris sur la grand-voile et gardons le foc n°2. Le vent du nord continue à augmenter en intensité et vers deux heures du matin, le vendredi 20 juillet, il souffle déjà à plus de vingt-cinq nœuds. Le Kif Kif navigue à plus de huit nœuds dans une mer qui passe de la forte houle à la grosse mer. Deux poulies du dispositif de retenue de la grand-voile éclatent en mille morceaux. Peu avant l’aube j’affale la grand-voile. Puis le foc. À huit heures du matin nous naviguons à une vitesse de quatre nœuds à sec de toile. Le ciel est clair, sans un seul nuage.
À force de mettre de l’ouest dans notre cap à la recherche du vent, maintenant que nous l’avons trouvé, à plus de cinquante milles des côtes portugaises, nous nous retrouvons sur le chemin des navires marchands qui descendent vers Gibraltar ou l’Afrique. Ces monstres de métal, chargés de centaines de tonnes de marchandises, ne peuvent pas nous voir dans cette mer agitée. J’envoie bientôt le foc n° 3, pour être plus maniable et éviter ainsi une éventuelle menace de collision. Par VHF, je prends contact avec les cargos dont la route passe au-dessus de nous. Ils nous confirment qu’ils ne nous voient pas sur leur radar, et ce n’est que lorsqu’ils se rapprochent de nous qu’ils nous distinguent à peine dans les vagues et modifient leur trajectoire.
Dans l’après-midi nous mettons enfin de l’est dans notre cap sur notre route vers le sud, faisant du sud-est pour nous éloigner de la route des cargos et de la forte houle qui nous malmène. Vers huit heures du soir nous apercevons au loin les îles Berlangas et le cap Carvoeiro, à une quarantaine de milles nautiques au nord de Lisbonne. J’en profite pour démarrer le moteur et recharger les batteries. Peu avant minuit, il meurt à nouveau, tout seul. J’ai découvert qu’il y avait une fuite au niveau du filtre primaire. Je règle le problème et il redémarre, mais comme nous avons encore un peu de vent et que les batteries sont déjà chargées, nous le laissons se reposer. Périodiquement je dois raccourcir les drosses du Cap Horn. Le frottement constant de la ligne sur la pièce en acier de l’échappement que j’ai installé à La Coruña finit par la couper au bout de quelques heures de travail. Noté. La liste est déjà assez longue et s’allonge encore. Cela fait partie du processus d’apprentissage, et nous apprenons juste à nous connaître, Kif Kif et moi.
Le samedi 21 juillet 2018, à 07:05, Muriel note dans le journal de bord «Passé Lisbonne, Estoril. Pas beaucoup de trafic». L’allure du bateau est de cinq nœuds, une vitesse que nous améliorerons à près de six nœuds au cours de la journée.
Il est 04h25 le dimanche 22 juillet lorsque nous empannons au sud-sud-ouest du Cap St Vincent, à la pointe sud-ouest du continent européen, à l’extrême sud de l’Algarve portugaise, et mettons le cap directement sur le détroit de Gibraltar. La décision de faire escale dans ce paradis fiscal de la Couronne britannique est dictée par la nécessité de pouvoir remplacer le Cap Horn par un pilote automatique lorsque le vent tombe, et dans cette colonie britannique, nous sommes sûrs de trouver ce dont nous avons besoin, et à un très bon prix. D’un autre côté, nous avons encore une courte marge de temps, et une brève escale ne nous fera pas de mal pour dissiper un peu d’humidité sur le bateau, bien que nous ayons utilisé tout le dimanche après-midi sous spi pour faire sécher draps, vêtements et coussins au soleil.
Entre le dimanche 22 et le lundi 23 juillet, nous avons alterné voile et moteur, le second soutenant parfois le premier, même si, à vrai dire, depuis que nous avons passé au large de Cadix vers minuit, le vent a complètement disparu et n’est revenu que le lundi, la matinée bien entamée, pour disparaître à nouveau un peu plus tard…
En plus de l’absence de vent à l’approche du détroit de Gibraltar, il faut ajouter les courants de marée contraires qui ont considérablement ralenti notre vitesse et ne nous ont pas permis de faire plus de trois nœuds entre le cap Trafalgar et Tarifa.
Enfin, à 02h15 le mardi 24 juillet, nous sommes officiellement entrés dans la mer Méditerranée après avoir contourné pointe Carnero, mettant le cap en direction du port de Gibraltar, où nous avons amarré Kif Kif aux pontons de Marina Bay à 03h35. Épuisés, nous nous sommes endormis sans même brancher l’électricité à quai…
Nous avons dormi pendant environ quatre heures, mais à huit heures du matin, le mardi 24 juillet 2018, nous étions déjà dans les vieilles douches de Marina Bay, nous préparant à faire une petite incursion dans la civilisation, une civilisation à l’accent llanito des habitants du rocher.
Notre première acquisition a été le pilote automatique, un Raymarine ST 2000+, que j’ai immédiatement entrepris d’installer à bord pendant que Muriel s’occupait de mettre à jour les provisions de frais. Puis nous sommes ressortis, mais cette fois-ci en mode promenade, plus détendus. Nous avons acheté des lunettes de soleil et nous nous sommes offerts un repas anglais dans un restaurant typiquement anglais…, ou était-ce un dîner ? Oui, je pense que c’était le dîner, car j’avais dû pas mal bidouiller les connexions électriques du Raymarine avant d’arriver à le faire fonctionner correctement.
Et nous sommes rentrés dormir, car le lendemain nous voulions appareiller tôt, aller à la station-service, faire le plein de diesel et mettre le cap sur la Méditerranée, les îles Baléares, la maison…Il se faisait déjà tard…
De Paimpol à Palma, très brève escale à Gibraltar (UK).

Le rocher de Gibraltar vu de Kif Kif.

Kif Kif a l’air morne, tout seul là-bas, amarré à l’un des quais de Marina Bay, avec la piste de l’aéroport de Gibraltar visible de l’autre côté du canal.

Oui, ça doit être le dîner… très anglais, très «British»…

Un avion d’EasyJet devant l’étrave de Kif Kif, prenant position pour le décollage, le mercredi 25 juillet 2018, vers dix heures du matin.
De Paimpol à Palma, la dernière ligne droite.

Carte marine de la Méditerranée occidentale, de Gibraltar à Majorque (courtoisie de Navionics Inc.)

Muriel observe le comportement de Kif Kif à plus de 10 nœuds, barré par le Cap Horn, avec le rocher de Gibraltar à l’arrière.

Au premier plan, le tout nouveau pilote automatique Raymarine ST 2000 fait son travail.

Au loin, l’immanquable cap Gata.

Coucher de soleil en Méditerranée occidentale, avec «OTTO» à la barre…

Le cap Palos et les Hormigas…

Lever de soleil sur le Freu Grande, entre Formentera et Ibiza. Photo prise le samedi 28 juillet 2018 à 07:06 depuis le pont de Kif Kif.

Déjà dans la baie de Palma, avec au loin la silhouette d’un beau vieux gréement avec toutes ses voiles dehors.

Le Kif Kif amarré à l’un des quais de Marina Naviera Balear dans le port de Palma, Majorque, îles Baléares.
Le mercredi 25 juillet, à dix heures du matin, nous avons démarré le moteur, déconnecté le bateau du quai et largué les amarres en direction de la station-service, où nous avons fait le plein de diesel en quantité suffisante pour atteindre Majorque à pleine vitesse. Vers onze heures, nous avons quitté le port et, à peine une heure plus tard, avec deux ris sur la grand-voile et le foc n° 2, nous naviguions déjà à plus de six nœuds. Le vent, venant de l’ouest, s’est levé, et, en milieu d’après-midi, nous faisions des pointes à onze nœuds, probablement aidés par le courant. Il ne nous a pas fallu longtemps pour prendre le troisième ris, afin d’équilibrer la vitesse du bateau et de soulager un peu le travail du pilote automatique, que nous utilisions pour la première fois lors de ce voyage. Le Raymarine s’est parfaitement comporté, mais dans des conditions de vent, il n’y a rien de mieux que le Cap Horn, silencieux, avec une consommation nulle et une précision inégalée par le pilote électrique.
Dans la soirée, le vent est complètement tombé. Moteur à 1800 tours. Le Raymarine a alors repris la vedette et, bien avant minuit, nous avons laissé les lumières de Malaga derrière nous.
Ces mêmes conditions ont été maintenues tout au long de la journée du jeudi 26, alors que nous avons dépassé le Cap Gata à sept heures du soir, lorsque nous avons mis le cap direct sur la Freu Grande de las Pitusas. La seule tâche qui rythmait les heures était le transfert du gazole des fûts au réservoir, afin que le fidèle Yanmar ne manque pas d’alimentation.
À cinq heures du matin, le vendredi 27 juillet, nous naviguions dans un brouillard dense et immobile qui nous permettait à peine de distinguer le balcon avant du Kif Kif. Un peu plus tard, à 11 h 16 exactement, j’ai écrit dans le journal de bord : “Au large du cap de Palos. JOYEUX ANNIVERSAIRE MURIEL !!!! JE T’AIME !!!! MERCI ! !!» Notre allure était de 5,7 nœuds et la mer était encore comme un miroir, tandis que le Raymarine faisait son travail avec les gémissements caractéristiques du moteur électrique qui le fait fonctionner.
Le samedi 28, à 03h23, nous avons aperçu pour la première fois les deux éclats blancs toutes les quinze secondes du phare du cap Barbaría, au sud de l’île de Formentera, qui a une portée de vingt milles nautiques. Nous arrivions dans l’archipel des Baléares.
Vers sept heures du matin, toujours dans les calmes et au moteur, nous avons traversé le Freu Grande entre les îles de Formentera et d’Ibiza; à dix heures du matin, nous sommes passés au large de Tago-Mago, à l’est d’Ibiza; à quatre heures de l’après-midi, nous avions la baie de Palma en vue et à dix-neuf heures trente nous amarrions Kif Kif aux quais de la Marina Naviera Balear dans le port de Palma, la capitale de l’île de Majorque. Notre voyage, pressé, venait de s’achever. Kif Kif était à la maison. Mission accomplie.
Il était temps de réintégrer notre poste de travail.